Lexique



Boutmoment : C’est par ce néologisme que nous désignons les enregistrements sonores d’une circonstance#. Ces enregistrements deviennent des boutmoments lorsqu’ils sont intégrés à un processus compositionnel indépendant de la circonstance# initiale de la prise de son. Ils sont des matériaux sonores scénarisés complexes, dans la mesure où ils ont une référence forte (parce qu’ils ne sont pas des prélèvements retravaillés ou trop travaillés). Les boutmoments se distinguent des samples*. En effet, ils ne convoquent ni l’hommage, ni la citation, ni le pastiche... Ils empruntent à la réalité. Ils l’évoquent, mais ni ne la figurent, ni ne la représentent.


Cluster : Complexe sonore très compact. Généralement, le cluster désigne le moment où toutes les hauteurs chromatiques comprises dans un intervalle quelconque sont jouées simultanément. Cependant la définition s’ouvre aux accords complexes dont l’intervalle prédominant entre deux notes adjacentes est une seconde mineure ou majeure.


Corps résonant : ou résonateur. Cf. corps sonore*.


Corps sonore : Le corps sonore désigne tout objet à partir duquel l’exécutant engage des gestes dans le but de produire un son ou une succession de sons. Ce peut être le corps de l’exécutant lui-même ou un autre corps, un instrument, un objet ready-made, une image# (mais c’est un objet), ou n’importe quel autre élément trouvé. Si le corps sonore peut être choisi pour ses qualités acoustiques, il peut aussi être choisi comme matériau scénarisé.

Classiquement, le corps sonore se constitue de :

  1. Vibrateur (le corps proprement dit)

  2. Excitateur, qui le fait entrer en vibration.

  3. Résonateur, qui ajoute des formants aux bandes de fréquence ou les filtre.

  4. Coupleur, qui transmet le son en l’amplifiant.

  5. Registre, qui est le dispositif de modulation qui assure la combinaison de chaque niveau.


Glissandi : Il s’agit d’un cluster* étendu dans le temps. Le passage d’une hauteur à une autre par variation continue.

Le glissandi et le cluster ne sont pas des éléments musicaux composés à partir des règles de l’harmonie. Ils ne sont ni une superposition, ni une succession d’éléments discontinus. Paradoxalement, ils nous font appréhender les sonorités d’un instrument avec une certaine pureté. Par leur caractère brut, libéré de toute histoire, ils nous livrent une sonorité extrêmement concrète de l’instrument.


L’atelier du cordonnier : C’est une critique de Pierre Boulez concernant les studios de la musique concrète. Il sommait les musiciens de l’électroacoustique de sortir de « l’atelier du cordonnier » car il trouvait leur recherche trop dépendante d’un certain bricolage. Or, dans notre conception du méta–atelier (voir le manuel tome I) une large place est faite à la bricole. C’est dans cet atelier que se rendent possible les manipulations sensibles que nous avons nommées opérations plastiques#. Celles-ci étant la manifestation de la pensée des mains, la gymnastique#. Il semblerait que, bricolage ou non, une telle pensée ne soit pas dépourvue d’une certaine rigueur.

« L’atelier du cordonnier » fait contraste avec cet autre atelier, où le bricoleur a laissé place à l’ingénieur : l’IRCAM.


Machinerie : ce terme nous permet d’aborder deux notions complémentaires. D’une part, la question du matériel musical, d’autre part, la question du méta-atelier et de son corollaire le méta-instrument.

Faire de la musique aujourd’hui ne se fait pas sans un recours à une multitude d’outils et d’ustensiles différents : l’instrument, le corps, les câbles, les enceintes de diffusion, la table de mixage, les prises de courant... etc. Nous entendons, évidement, « faire » dans les deux moments qu’il désigne : celui de la composition, et celui de la diffusion, qui parfois sont simultanés. À la suite du manuel d’arts plastiques, nous affirmons que :

  1. ces outils et ustensiles font signes,

  2. ces outils et ustensiles déterminent des opérations plastiques# qui feront signes à leur tour.

De ce fait, le matériel et le processus compositionnel se pensent de pair. Il n’y a pas de liste exhaustive de celui-ci. Mais à l’image du méta-atelier, un méta-instrument souple, mobile et mutable.


Mix : Désigne une variation autour du montage*. Il s’agit en effet de rapprocher deux éléments a priori éloignés, et de les réunir en un seul. Le sens n’est pas celui de la couture. Il naît de la surprise de voir cohabiter aussi bien ces éléments, ce qu’ils ont l’air de faire très naturellement.


Montage* : « Mettre une inconnue en évidence » (Jean-Luc Godard). Rapprocher intentionnellement deux éléments (minimum) pour que, de leur rencontre, le sens apparaisse. C’est la couture qu’il y a entre ses deux éléments hétérogènes, qui est la condition du sens et par là même, du montage.


Objet sonore : On appelle objet sonore toute manifestation et évènement sonore que l’on saisit pour ses propriétés (qui sont à la fois physiques, formelles et sémantiques) comme un être sonore dépendant de l’occasion de son apparition. Il peut être enregistré, noté (avec les écarts que cela suppose) ou impliqué dans sa circonstance# même pour un travail compositionnel circonstanciel. C’est un son, une séquence de sons, une musique qui nous fait signe.


Sample* : Désigne les prélèvements sonores (numériques ou analogiques), plus ou moins longs, de musique préexistante. Cette référence reste reconnaissable, le sample est un matériau scénarisé complexe. Un sample ne dépend pas d’un outil, mais désigne une opération. Ils convoquent les opérations de montage* et de mix*, comme le boutmoment*.